Centres de compétence villageois en cacao
En quoi consistait le projet
En Côte d'Ivoire, le cœur de la production mondiale de cacao, les agriculteurs et agricultrices fermentent et sèchent généralement leur propre cacao avant de le vendre. La qualité est très variable et les prix sont bas. En outre, les parcelles de cacao sont généralement cultivées en monoculture et sont surexploitées, tandis que la pratique de l'agroforesterie et l'utilisation d'arbres d'ombrage sont rares. Le projet visait à déclencher un changement afin d'améliorer le revenu des agriculteurs et agricultrices et d'accroître la qualité du cacao.
Ce qui a été fait
CABOZ – une société suisse qui aide ses clients à mettre en place des chaînes d'approvisionnement en cacao directes et durables – et ses partenaires ont créé deux centres de compétences basés dans des villages de la région de Nawa. Les centres offrent maintenant un large éventail de services aux agriculteurs et agricultrices, notamment :
- Acheter le cacao humide, le fermenter et le sécher selon une méthode standardisée dans des installations nouvellement construites, avant de le vendre aux clients.
- Formation des agriculteurs et agricultrices aux bonnes pratiques agricoles.
- Soutenir les communautés agricoles pour produire des plants de cacao de haute qualité et des arbres d'ombrage afin de rajeunir et de diversifier les plantations de cacao.
- Gestion des groupes d'épargne nouvellement créés, combinée à un soutien aux activités génératrices de revenus et à des formations d'alphabétisation financière.
- Vente d'outils et d'intrants agricoles aux agriculteurs dans de nouveaux magasins associés aux centres de compétences.
Les résultats du projet
Au cours des trois années du projet, les résultats suivants ont été atteints :
- 127 tonnes de cacao frais achetées à 305 agriculteurs et agricultrices ont été traitées dans les installations de fermentation et de séchage des deux centres de compentence.
- 1'461 agriculteurs et agricultrices ont reçu une formation sur le rajeunissement des exploitations, la diversification des revenus, la résilience au changement climatique et l'intégration d'arbres d'ombrage dans les plantations de cacao.
- Les communautés agricoles ont produit 444'563 plants de cacao qui ont été distribués à 1'148 agriculteurs et agricultrices. Parmi ceux-ci, 98,6 % ont survécu sur le terrain et ont permis de réhabiliter 333 ha de plantations surannées (0,29 ha par exploitation).
- 26'784 arbres d'ombrage ont été produits, dont 67 % ont survécu sur le terrain.
- 744 emplois ont été créés, dont la plupart sont des emplois journaliers.
- 17 groupes d'épargne ont été créés avec 595 participants, dont 282 femmes.
- Deux entrepôts ont été construits à côté des installations de fermentation, alimentés par 35 tonnes d'engrais.
Ce qui n'a pas fonctionné ou a eu des conséquences inattendues
Les volumes traités dans les deux installations de fermentation au cours du projet de trois ans ont été inférieurs aux attentes, soit 42 % par rapport à l'objectif. L'une des raisons en est la méfiance généralisée des agriculteurs et agricultrices à l'égard du rapport de poids entre le cacao humide et le cacao sec. Une autre raison était la difficulté pour CABOZ de trouver un client prêt à payer un prix plus élevé pour la qualité améliorée provenant des centres. Cela a rendu CABOZ réticent à acheter plus de cacao frais, craignant des pertes financières sur un marché caractérisé par de faibles marges.
De même, la création initialement prévue de comptes d'épargne mobiles pour le paiement des primes a été abandonnée en raison de la faible acceptation et des coûts élevés des systèmes de paiement mobiles en Côte d'Ivoire. A la place, des groupes d'épargne villageois et des associations de crédit ont été créés, qui se sont avérés fonctionner très bien et sont très populaires.
"Nous assurons un transfert de connaissances à long terme et des idées innovantes en travaillant avec du personnel local et en impliquant directement les communautés paysannes dans le projet".
Entretien avec Daniel Stähli, CEO de CABOZ
Daniel Stähli, en quoi les approches du projet étaient-elles nouvelles et innovantes ?
Notre approche était nouvelle puisque la fermentation centralisée dans les villages n'est pas courante en Côte d'Ivoire. Nos centres de compétences fournissent non seulement divers services aux agriculteurs et agricultrices, mais permettent également d'obtenir une meilleure qualité de cacao. En outre, la mise en place des centres de compétence fait évoluer le rôle de CABOZ en tant qu'entreprise d'approvisionnement, qui passe de celui d'un simple commerçant entretenant des relations lâches avec les cultivateurs et cultivatrices à celui d'un prestataire de services ayant une présence locale permanente, proche de l'endroit où vivent et travaillent les cultivateurs et cultivatrices. Cela améliore la collaboration de CABOZ avec eux, dans l'intérêt de tous.
Qu'a appris CABOZ dans le cadre de ce projet ?
Pour que de tels projets réussissent, il est essentiel que les agriculteurs et agricultrices en retirent un avantage à court et à long terme. Par exemple, nous avons surestimé l'importance du temps qu’ils gagnent grâce à la fermentation centralisée. Certains ont même eu l'impression que l'image qu'ils avaient d'eux-mêmes en tant qu'agriculteurs actifs était perturbée. Le principal levier est le prix, ils doivent donc tirer un avantage financier substantiel de leur participation. Il en va de même pour nos clients. L'amélioration de la qualité physique et aromatique n'est pas beaucoup récompensée dans le contexte ivoirien. Les propositions de valeur comprennent plutôt des aspects tels que l'augmentation du revenu des agriculteurs et agricultrices, la non-déforestation et la prévention et le suivi du travail des enfants.
Que recommandez-vous aux autres acteurs qui mettent en œuvre des projets similaires ?
Pour éviter les problèmes évoqués ci-dessus, nous suggérons d'investir dans une communication simple combinée à la gestion des rumeurs. C'est un élément clé pour surmonter la méfiance ou la réticence des gens à participer à un projet.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Malgré des volumes fermentés inférieurs aux prévisions, nous continuons à exploiter les centres de compétences avec ses différents services. Pour en faire un modèle économiquement durable et évolutif, nous avons investi dans la planification d'usines de production pour extraire le jus de cacao du cacao frais livré aux centres. Nos calculs montrent que les revenus nous permettront de maintenir le coût du cacao fermenté au prix du marché, tout en nous permettant d'offrir aux agriculteurs et agricultrices un prix plus élevé, ce qui constitue une étape vers un revenu de subsistance. En outre, dans le cadre d'une nouvelle phase de projet de trois ans financée par notre principal client Bahlsen, nous passerons d'une focalisation sur le cacao à une approche plus holistique de l'agroforesterie dynamique. Cela est dû au fait que de nombreux agriculteurs et agricultrices continuent de considérer les arbres d'ombrage comme des concurrents des cacaoyers et ne soutiennent pas l'agroforesterie sans une valeur économique visible dès le départ.
Comment s'assurer que le projet n'a pas seulement des effets à court terme, mais aussi à long terme ?
Nous assurons un transfert à long terme du savoir-faire et des innovations en travaillant avec du personnel recruté localement et en intégrant les communautés agricoles directement dans le projet. De plus, nous avons déplacé la production de plants d'arbres d'une ferme de semis centrale vers de plus petits sites de semis communautaires, ce qui implique les communautés encore plus étroitement dans le projet. Comme nous ne rajeunissons que ¼ ha par exploitation, le projet vise à motiver les agriculteurs et agricultrices à continuer à rajeunir et à diversifier le reste de l'exploitation par eux-mêmes, sur la base de l'expérience acquise grâce au projet.
Quant aux centres de compétences, avec les valeurs supplémentaires générées par l'extraction du jus de cacao à partir de cacao frais, la fermentation centralisée du cacao s'avérera être une stratégie économiquement durable. Enfin, les groupes de prêts et d'épargne villageois et les micro-entreprises fonctionnent de manière largement autonome après trois ans, ne nécessitant qu'un faible soutien continu.
Les organisations impliquées